Annexe : Projet de Charte des systèmes d’information de l’Etat

Dans une société où l’informatique outille l’ensemble des politiques publiques, la décision politique s’incarne désormais dans les systèmes d’information tout autant que dans les textes juridiques et les décisions budgétaires.

1. Les contraintes qui pèsent aujourd’hui sur les choix informatiques des administrations limitent leur capacité à mettre en œuvre rapidement des projets concrets ou à déployer efficacement des politiques innovantes. La mise en œuvre d’une politique publique ou d’une disposition législative ne saurait être tributaire de choix techniques ou de décisions commerciales d’acteurs privés.



2. L’externalisation depuis la conception jusqu’à la mise en œuvre des systèmes informatiques par les services de l’État amène, faute de politique visant à conserver les compétences nécessaires, à une perte de savoir-faire et d’autonomie de décision quant à leur organisation et aux technologies utilisées.

4. Malgré quelques progrès réalisés, les services informatiques de l’État utilisent encore beaucoup de logiciels intimement liés à des fournisseurs privés uniques, ce qui contraint leurs usagers et partenaires à être clients de ces mêmes fournisseurs.

5. Les services informatiques de l’État utilisent souvent des logiciels dont le code source n’est pas disponible, ce qui leur interdit de faire corriger les erreurs que les fournisseurs refusent de corriger eux-mêmes ou de vérifier l’absence de défauts de sécurité dans des applications sensibles.

6. Une informatique non maîtrisée est préjudiciable à la protection de la vie privée des citoyens et constitue un risque pour la sûreté de la Nation.

C’est dans les systèmes d’information eux-mêmes que doivent être aujourd’hui garanties l’efficacité de l’action publique, l’égalité de traitement, la transparence des choix, la protection de la vie privée et des données personnelles, la qualité de l’interaction avec les citoyens.

L'État doit engager une démarche visant à réduire progressivement les contraintes qui pèsent sur ses choix informatiques et à favoriser l'agilité de ses systèmes d'information, au service des usagers et des agents.

Cette politique informatique reposera sur les principes suivants :

1. Maîtrise

L’Etat entend acquérir et conserver la maîtrise des systèmes d’information sur lesquels repose le fonctionnement de ses services.

Cette maîtrise repose sur :

• l’acquisition et le maintien de la capacité de piloter les systèmes d’information dans leur globalité par les services informatiques de l’Etat. Le positionnement de directions des systèmes d’information dans chaque ministère, réunies dans un Conseil des Systèmes d’Information, renforcera la légitimité de ce pilotage ;

• l’acquisition et le maintien des compétences nécessaires pour faire évoluer le système d’information. Le savoir-faire de conception et d’urbanisation des systèmes, interne à l’administration, doit être renforcé pour maîtriser les prestations externalisées ;

• l’assurance que les compétences permettant de faire évoluer le système d’information soient et restent disponibles sur le territoire national ;

• la systématisation de l’usage de méthodes de développement et de gestion des systèmes d’information favorisant cette maîtrise. Une approche modulaire et itérative doit être systématisée pour permettre une plus grande adaptabilité et efficacité mieux à même de faciliter l’accompagnement des mesures politiques ;

• le développement concerté de briques logicielles réutilisables selon le modèle du logiciel libre pour mutualiser les investissements et alléger le développement des nouveaux systèmes intégrés ;

• la recherche de la simplicité et de la standardisation dans les systèmes d’information développés par l’Etat qui passe par la reconnaissance de la complémentarité nécessaire entre les facettes technologique, organisationnelle et humaine de tout projet.

2. Pérennité

Les choix technologiques d’hier ou d’aujourd’hui ne doivent pas compromettre la capacité d’agir demain. En particulier, l’utilisation et la maintenance d’une fonctionnalité du système d’information ne peuvent pas dépendre pas du bon vouloir ou de la pérennité des concepteurs du logiciel qui se trouve la fournir aujourd’hui.

Le modèle du logiciel libre répond doublement à ce souci. D’une part la publicité du code, sa liberté d’usage et de modification permettent à tout utilisateur de reprendre la main ou maintenir une ancienne version, si cela s’avère nécessaire. D’autre part, après une première période de foisonnement lors de leur création, la plupart des souches logicielles se stabilisent quand elles couvrent les principaux besoins des utilisateurs.



3. Indépendance


Le retour progressif à une indépendance des systèmes de l’Etat impose :

• le refus de dépendre durablement d’un fournisseur unique ou d’une technologie propriétaire dans un segment quelconque du système d’information. L’utilisation de logiciels libres existants ou, à défaut, l’enrichissement et le développement de souches doivent être privilégiés. Ces logiciels doivent manipuler des standards ouverts utilisables sans restriction par tous : usagers, agents et fournisseurs ;

• l’exigence d’une justification, économique mais aussi stratégique, pour l’emploi nouveau ou renouvelé d’un logiciel propriétaire au lieu d’une solution sur le modèle du logiciel libre.

D’une manière plus générale, les services informatiques de l’Etat se conformeront strictement aux Référentiels Généraux d’Interopérabilité et de Sécurité, qui doivent aussi servir à tous les acteurs de la sphère publique pour garantir une convergence des systèmes. Ces Référentiels établiront de manière publique les standards techniques, les modèles de données mais aussi les organisations des systèmes dont le respect est utile au développement cohérent et à la convergence progressive des systèmes d’information publique. Ces choix, opposables aux acteurs économiques, devront pour préserver la concurrence privilégier des standards ouverts.

En tout état de cause ils refuseront absolument d’utiliser des standards et formats de données opaques qui restreignent l’interopérabilité au sein de ses systèmes et avec ceux de ses partenaires.

La loi sur l’économie numérique (21 juin 2004) donne une première approche du standard ouvert : « On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre. »

Il y sera ajouté, dans les critères de choix, l’exigence d’une communauté de gestion du standard équilibrée et non maîtrisée par un ou plusieurs acteurs dominants aux intérêts convergents. On atteint ainsi le même avantage de pilotage par les besoins du plus grand nombre que dans le logiciel libre.


Ces principes inspirent l’ensemble de la stratégie informatique de l’Etat. Ils sont d’application immédiate pour les chantiers informatiques nouveaux ; pour l’existant, ils s’appliqueront au fur et à mesure du renouvellement du parc d’équipements et d’applications.

Outre les choix technologiques eux-mêmes, les décisions concernant l’organisation, les processus de travail, le recrutement des informaticiens et la formation des informaticiens mais aussi des personnels utilisateurs obéissent à ces principes.

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