3 Le numérique, une chance pour la culture

Comme toute grande transformation, internet et le numérique bousculent les règles et les situations. Ils apparaissent comme un désordre avant de montrer la richesse de ce qu’ils produisent. Les nouvelles pratiques culturelles sont en train de forger un écosystème culturel différent.

1. Le nouvel écosystème numérique de la culture

La filière de la musique, puis celle du cinéma, peut-être bientôt celle du livre, sont confrontées, presque simultanément, à trois phénomènes.

La numérisation des œuvres et l’essor des pratiques d’échange. Le numérique, en permettant la diffusion - et donc la copie - de l'information avec un coût marginal nul, indépendamment des distances, constitue une rupture fondamentale vis-à-vis des modèles en vigueur dans l'économie matérielle. L'émergence de nouveaux modes de production et de distribution, totalement déconcentrés et décorrélés de tout support physique, ainsi que la possibilité de mise à disposition instantanée des œuvres numérisées, constituent un redoutable défi.


Les nouvelles capacités de création

La mobilisation de capacités de création nouvelles s’opère sur un grand nombre de registres.

Les capacités de création favorisées par le numérique peuvent viser des usages modestes. Filmer un voyage ou photographier un événement musical et le mettre en ligne sur DailyMotion ou FlickR pour que les proches puissent le consulter.

Elles peuvent converger autour de projets coopératifs qui visent à produire ensemble des biens communs informationnels, accessibles à tous et réutilisables. Le projet Gutenberg et Wikipedia sont emblématiques de cette démarche. Lancée par Michael Hart en 1971, cette bibliothèque est composée de versions électroniques libres de livres réalisées par des centaines de contributeurs. Les textes numérisés sont essentiellement du domaine public. En février 2006, le projet Gutenberg propose plus de 18 000 livres . Wikipedia est une encyclopédie générale, gratuite et ouverte à tous, produite collectivement par les internautes intéressés. Elle s’inspire des concepts du « logiciel libre ». Chaque article peut être modifié à tout moment par ses visiteurs. La version anglophone a dépassé les 1.500.000 articles et Wikipédia francophone 400.000 articles. Parallèlement à la progression du nombre d'articles, leur qualité est en constante amélioration.

Toutes ces pratiques artistiques amateur et semi-amateur ne visent pas toujours la professionnalisation. Ils placent leurs œuvres sous des licences ouvertes comme Creative Commons et Art Libre qui autorisent la diffusion et la réutilisation des œuvres.

Dans ce vaste chantier, une nouvelle génération d’intermédiaires tente d’inventer de nouveaux modes de valorisation des œuvres. Le site de musique en ligne Jamendo diffuse gratuitement 3000 albums, en peer-to-peer.

Les phénomènes de longue traîne

Le rédacteur en chef du magazine Wired, Chris Anderson, a popularisé l’idée de la « longue traîne » selon laquelle les œuvres ou les produits qui sont l’objet d’une faible demande, ou qui n’ont qu’un faible volume de vente, peuvent collectivement représenter une part de marché égale ou supérieure à celle des best-sellers. Il faut pour cela que les canaux de distribution proposent assez de choix. Ce modèle n’est pas totalement nouveau mais retrouve une actualité avec internet. Amazon ou Chapitre.com offrent un catalogue de livres supérieur à ceux des plus grandes librairies. Les modèles économiques de ces entreprises reposent sur le même principe : l’agrégation de milliers, de centaines de milliers voire de millions de micro-audiences ou de micro-transactions qui constituent in fine des revenus finançant l’infrastructure technique, la technologie et l’innovation sous-jacentes.

C’est ce modèle ui sous-tend le développement des plateformes de partage de contenus comme YouTube ou DailyMotion.

Le Conseil d’analyse économique avait clairement, dés 2003, posé les termes du débat. Deux voies peuvent être empruntées. La première, défensive et coûteuse en termes de bien-être social, cherche à maintenir le plus longtemps possible le fonctionnement classique des marchés, retardant ainsi la marche de la révolution numérique. L’autre voie, au contraire novatrice, consiste à “ inventer ” un modèle permettant le fonctionnement efficace d’une économie de l’information. Dans tous les cas, il nous semble essentiel de ne jamais perdre de vue la nécessité de protéger une juste rémunération des artistes.

Recommandation 15
Préserver et encourager la pluralité des modes de financement et de rémunération (vente unitaire, abonnements, rémunérations forfaitaires, revenus mutualisés) : favoriser l’innovation et la concurrence, reconnaître les licences libres.

Recommandation 16
Moderniser la gestion collective, fluidifier la gestion des droits.


2. Assurer la sécurité juridique des échanges sur internet et assurer la rémunération des artistes

C’est au cours de l’année 2000 que Napster et MP3 sont devenus des mots du langage courant pour des millions d’internautes en France et dans le monde. Journalistes ou étudiants, musiciens ou cinéastes, toutes les communautés téléchargent ou s’échangent des films et de la musique.

Nous avions tous les deux, en juillet 2004, exprimé de sérieux doutes sur la diabolisation des échanges non-commerciaux sur les réseaux P2P. Vous, dans une question écrite au ministre de la Culture : « Plutôt que de stigmatiser des millions de citoyens qui ne font qu'échanger gratuitement des fichiers musicaux ou vidéos, il est au contraire indispensable de prendre en compte ce nouveau mode de consommation, de le reconnaître comme une simple conséquence du progrès des multimédias, et de préparer une rémunération des auteurs par d'autres moyens, comme la taxation des fournisseurs d'accès, par exemple. »

Et moi, dans un article de Libération. « Ou bien la principale motivation des jeunes lorsqu'ils s'abonnent à internet est d'accéder à de la musique et des films. Et alors il faut immédiatement en conclure qu'ils dépensent pour cela non pas moins mais bien plus que les non-utilisateurs d'internet et que le seul problème qui peut se poser est celui de transférer une part des revenus correspondants vers les créateurs. (…) Ou bien les jeunes accèdent à internet parce qu'au-delà du seul accès aux contenus édités, c'est l'espace où s'inventent les modes d'échange, de partage, de constitution de nouveaux savoirs et de création. S'il s'agit bien de cela, que dirait-on de mesures qui interdiraient de lire à ceux qui partageraient les livres qu'ils ont aimé ? »

Il est indispensable de faire le solde de ces nouveaux usages sur les ventes, mais il ne faut pas faire l’économie de leur impact sur la culture en tant que telle. Loin d’être une menace, le numérique et les pratiques d’échange peuvent être une chance qu’il faut saisir et valoriser, en assurant la sécurité juridique des premiers et la juste rémunération des seconds.

Plutôt que de faciliter l’évolution des modèles économiques, la protection des publics et la rémunération des artistes, le gouvernement a jusqu’à présent choisi une voie strictement répressive. Nicolas Sarkozy, lui-même, s’est prononcé d’une manière sévère ce 4 avril à l’égard de millions d’internautes. Nous sommes un an après la loi dite « DADVSI », acronyme dont l’objectif était de mettre en prison tous les jeunes qui téléchargent illégalement de la musique. Or, la situation est aujourd’hui pire qu’avant la loi. D’un côté, les artistes ne sont pas mieux rémunérés, contrairement à ce que dit le ministre de la culture ; de l’autre ceux qui téléchargent légalement de la musique sont pénalisés par les mesures de protection qui les empêchent de copier leurs fichiers et souvent d’écouter leurs propres disques ! Par ailleurs, les internautes qui achètent illégalement des disques sont davantage poursuivis par la justice, mais les tribunaux les relaxent toujours davantage. En France, plus de 50 décisions mettant en cause des internautes qui téléchargent comme tout le monde sont prises chaque année. Au lieu d’organiser ces échanges et de les valoriser, la loi DADVSI de 2006 visait au contraire à autoriser la mise en œuvre des mesures techniques illusoires pour essayer de contrôler ces nouveaux usages et les empêcher de prospérer.

Les uns après les autres, l’ensemble des acteurs internationaux n’ont pas attendu un an pour revenir sur cette position : Vivendi, Steve Jobs et, cette semaine, EMI, favorisent désormais la vente de morceaux de musique que l’on peut copier et échanger. Pourtant, pendant que les acteurs commencent à vendre des morceaux de musique non-protégés, les artistes et le public restent les grands oubliés de ce débat. Les premiers ne savent toujours pas comment ils seront rémunérés ; les seconds ne sont toujours pas garanti d’avoir le droit de prêter ou d’échanger ces œuvres.

Les artistes peuvent rémunérer ces nouveaux usages. Les traités internationaux comme le Traité de Berne prévoient depuis longtemps la possibilité d’autoriser des pratiques semblables pour autant que les artistes bénéficient d’une rémunération équitable. La France a déjà eu l’occasion de mettre ces mécanismes en œuvre via, par exemple, la création de la rémunération pour copie privée que l’ensemble du secteur est aujourd’hui en train de défendre au niveau européen.

L’expérience montre que le développement de ces mécanismes de rémunération et leur extension aux supports numériques n’a pas eu d’impact sur le développement de modèles plus traditionnels. En revanche, le blocage actuel entre les nouvelles pratiques d’échanges et les mesures anti-copies est doublement problématique : il criminalise les internautes et il empêche les acteurs d’explorer des solutions alternatives et innovantes.

Il sera nécessaire de mettre en œuvre une solution qui assure la sécurité juridiques des échanges, mais préserve les intérêts des artistes autour d’une rémunération consensuelle qu’il conviendra de défendre vigoureusement au niveau européen.

Recommandation 17
Assurer la sécurité juridique des échanges sur internet.

Recommandation 18
Développer des mécanismes de compensation équitable pour les artistes. Il faudra procéder à une très large consultation sur le cadre juridique, les modalités de mesure des usages, les modes et les clés de répartition. La détermination de l’éventuelle redevance déplacera le débat du terrain du droit vers l’économie et tiendra compte des spécificités des filières de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel, notamment de la chronologie des médias.


Remise à plat de la DADVSI

Vous avez annoncé un réexamen de la loi DADVSI. Ce réexamen pourra s'appuyer sur l'analyse du bilan des transpositions de la directive « droits d'auteur » récemment établi par l'institut IVIR à la demande de la Commission européenne. Ce rapport souligne que cette directive a déséquilibré les droits en faveur des titulaires de droits et au détriment des droits d'usage qui fondent la culture de demain.

Ce réexamen sera l'occasion de préciser que la protection juridique des mesures techniques ne s'applique pas lorsque leur contournement est nécessaire pour des usages légaux. Et de rendre effectives les exceptions pour la recherche, l'enseignement, et la citation pour les besoins de l'information et de la critique.

En tout état de cause, une éventuelle reconnaissance des échanges non-commerciaux devrait s'inscrire dans le cadre d'une réflexion plus générale sur l'économie de la culture à l'ère numérique. La clarification du licite et de l'illicite permettrait de concentrer l'action judiciaire sur les actes causant un réel préjudice et contre la véritable « piraterie » : la contrefaçon à grande échelle de CD et de DVD, réalisée à des fins commerciales ou la diffusion en ligne de films avant leur exploitation en salle.

Au delà de la remise à plat de la DADVSI, il s'agit donc de penser le futur de la culture et de son économie.

3. Aider et réguler les industries culturelles afin d’aider davantage le numérique.

Le paradoxe français est que nous n’aidons pas toujours, ou assez vivement, nos industries culturelles, et que nous ne les régulons pas non plus. Or, c’est exactement l’inverse qu’il faut faire. Il faut créer en France une véritable politique industrielle culturelle pour favoriser nos industries culturelles et, en même temps, il faut mieux les réguler. Nous sommes actuellement perdants sur les deux tableaux ; il faut être, à l’inverse, « gagnant-gagnant ». L’avenir des nouvelles technologies dans la culture en dépendent aussi.

Recommandation 19
Encourager la création d’une direction des industries culturelles au ministère de la culture. Revoir l’ensemble des mécanismes de financement des industries culturelles et de la répartition des aides.


4. Pour une bibliothèque numérique européenne efficace.

Peu de Français se satisfont de la domination culturelle américaine et la plupart des Européens devraient être solidaires du projet de bibliothèque numérique européenne qui est une juste réponse face au projet « Google Book Search ». Voilà pourquoi le projet de « Bibliothèque numérique européenne », ou Europeana, mérite tout notre soutien.

Face à Google, la réponse ne peut être qu’européenne. Or, le moteur de recherche européen Quaero est en difficulté depuis le retrait de la partie allemande et le système européen de navigation par satellite Galileo n’est toujours pas lancé, quand la plupart de nos voitures européennes sont déjà équipées de GPS. Il ne faut pas que le projet de Bibliothèque Numérique Européenne connaisse le même sort, surtout que pour l’heure seuls la Hongrie et le Portugal se sont associés au projet français. C’est un aveu sinon d’échec, du moins d’impuissance, de notre bibliothèque numérique « européenne ».

Europeana ne doit pas être seulement une bonne idée, bien française, idéaliste et finalement irréaliste car ne s’appuyant pas sur un modèle viable. Au lieu d’affronter Google avec la seule politique publique, peut-être le ministre de la culture aurait-il pu imaginer une alliance avec d’autres partenaires de premier plan, pour concurrencer Google Book Search, plutôt que de confier la seule résistance à notre Bibliothèque Nationale de France ? Peut-être aurait-il dû négocier un projet véritablement européen au lieu de laisser la France en être seule le moteur ?

Nous ne devons pas laisser à Google le monopole de la numérisation de notre mémoire et de notre histoire. Il est important aussi de garder à l’esprit toutes les questions d’interopérabilité ou les problèmes liés à l’internet et aux libertés que peut faire peser Google s’il est seul à gérer la numérisation des livres.


Recommandation 20
Reprendre sérieusement le projet Europeana en recherchant des partenariats avec des partenaires européens et en s’associant, réellement, avec d’autres pays européens. Inciter la Bibliothèque nationale de France, au-delà de Gallica, à numériser ses collections sans plus attendre et en veillant à rendre ces livres numérisés réutilisables par tous.



5. Relancer la filière jeu vidéo

Le jeu vidéo occupe une place à part : c’est en même temps une industrie mondiale (environ 30 Mds $) et une pratique culturelle émergente et composite, touchant directement en France plus de 17 millions de personnes. C’est aussi la seule industrie qui ait été numérique dès sa naissance.

De 2002 à 2005, le nombre d’emplois du secteur en France a diminué de moitié, tombant de 25 000 à 12 000 tandis que le nombre de studios était divisé par 4. Hormis les trois éditeurs français de taille internationale, la majorité des emplois repose sur des PME.

La mise au point d’un jeu vidéo mobilise des compétences artistiques (graphisme, scénario) et technologiques. Certaines sociétés valorisent les technologies développées pour des jeux en les adaptant auprès d’autres acteurs industriels (réutilisation de moteurs de jeux de courses dans le secteur automobile, etc.)

Le coût moyen de développement d’un jeu vidéo dépasse 5 millions d’euros dans un marché extrêmement concentré où 45 titres représentent 50% des ventes. À cette augmentation des budgets s’ajoutent des difficultés managériales. Dès lors qu’un jeu est terminé, il est souvent impossible de réemployer immédiatement ses développeurs sur un autre projet. L’entreprise doit alors supporter des développeurs temporairement inactifs pendant des périodes pouvant aller de 3 à 6 mois.

Les cycles de progression dépendent très largement du cycle de vie des consoles fabriquées par trois sociétés japonaises et américaine. Dans les relations qui se nouent entre les fabricants, qui donnent accès à la machine, les studios qui sont les créateurs, et les éditeurs qui donnent accès au marché, le rapport de force est défavorable aux studios.

Les politiques d’aide à la création de jeu vidéo jouent, de la Grande Bretagne au Québec, un rôle essentiel. Le Québec permet à un studio de bénéficier d’un crédit d’impôt de 37,5% pour les jeux francophones.

Un crédit d’impôt a été voté par le Parlement français en janvier 2007 : sa mise en œuvre est conditionnée à un accord de la Commission de Bruxelles, qui s’interroge gravement depuis plus d’un an sur le sujet. L’Europe semble sur le point de tirer contre son camp : la seule distorsion de concurrence réelle est celle qui oppose l’Europe et le reste du monde.

Soutenir les jeux intégrant une dimension éducative : les jeux peuvent être des outils d’apprentissage de la décision, de l’esprit de synthèse, de la réactivité, et même de la sociabilité.

Recommandation 21
Mobiliser les mécanismes de soutien à la R&D pour les jeux innovants

Recommandation 22
Proposer à nos partenaires européens une approche commune du soutien à cette industrie culturelle particulière : la Grande-Bretagne, l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord semblent prêts à travailler collectivement sur ce sujet emblématique, tant sur les aspects de soutien à la création que sur le volet de protection des mineurs.

Recommandation 23
Aller au delà du projet minimaliste de crédit d’impôt. Notamment en mettant en place une gamme d’outils de soutien aux studios, ciblant particulièrement leur besoin de financement permanent.

Recommandation 24
Faire valoir nos atouts dans la concurrence mondiale, aujourd’hui déséquilibrée par les politiques fiscales très volontaristes de certains pays, ou par la montée dans le paysage des pays émergents.

Recommandation 25
Proposer la création d’un compte de soutien sur le modèle de celui du cinéma. Il faudrait en arrêter le principe et les modalités avec l’ensemble des acteurs.



6. Le secteur public culturel doit prendre le virage du numérique

Quand près de 40% des internautes français sont créateurs de contenus, le numérique apparaît comme l’une des réponses à la difficile démocratisation de la culture et du savoir. Le numérique est donc un relais essentiel de la politique culturelle. Or, ces dernières années, la politique du Ministère de la Culture et de la communication a ignoré les pratiques culturelles numériques.

Alors que des pans entiers de la culture sont en train d’évoluer, et pour une part de migrer sur internet, le ministre n’a pas pris la mesure de ces évolutions. Pire, il n’a ni adapté son administration à cette évolution majeure, ni alloué des crédits, ni même aidé les acteurs. Au contraire, il a cherché à combattre les innovations dans le secteur numérique et à brimer les internautes.

Le ministère consacre moins de 3% de son budget au numérique, et presque uniquement à la numérisation des collections de la Bibliothèque Nationale de France et de l’INA. Au lieu de la méfiance et l’ignorance, il faut des actes et des investissements.

Recommandation 26
La part des actions du Ministère en matière numérique, au sein du budget de la Culture, doit passer, en cinq ans, de 3 % à 10 %.

Développer une offre culturelle numérique publique

Le Ministère doit s’assigner l’objectif d’organiser un espace culturel numérique avec un triple but : donner accès au patrimoine comme à la création vivante, favoriser leur réutilisation par les créateurs et les amateurs en vue de nouvelles créations, assurer leur rayonnement dans l’espace culturel mondial.

Les institutions culturelles tardent à prendre le virage du numérique. La numérisation « patrimoniale » donne aux œuvres une seconde vie, de plus en plus une première vie. Les plans de numérisation des grands musées engagés sous le Gouvernement Jospin s’essoufflent. La Bibliothèque Nationale de France (BNF) n’a numérisé et mis en ligne qu’une très faible partie de ses collections et a hésité longtemps sur la politique (plein texte ou image). L’INA, en revanche, conduit méthodiquement un ambitieux plan de numérisation des archives de la radio et de la télévision. 100 000 émissions sont d’ores et déjà accessibles en ligne.

Au delà de la numérisation patrimoniale, les établissements publics culturels sont des producteurs (et des diffuseurs) potentiels de programmes. Les unités de production de chacun des établissements sont aujourd’hui sous-dimensionnées. Certains n’en sont même pas dotés, notamment dans le spectacle vivant ou l’art contemporain. Il faudra mutualiser ces moyens, voire mettre en place une unité de production commune aux établissements culturels. Cela signifie en clair que la BNF, le Louvre, le Musée du Quai Branly, le Théâtre national de Chaillot et l’Opéra de Paris, etc. délègueraient la production de programmes numériques à une seule et même entité faisant appel à de petites unités mobiles de production. L’ensemble des établissements culturels publics, les actions culturelles subventionnées, mais aussi l’ensemble des musées non nationaux et des monuments pourraient y faire appel.

Au prétexte que l’utilisateur doit pouvoir distinguer clairement les « contenus » validés des autres contenus, les sites des établissements culturels n’offrent aucune fonctionnalité d’hébergement et d’accueil de contenus produits par les utilisateurs. L’espace public numérique devrait permettre à des productions locales de s’adosser à l’offre publique patrimoniale et de création. Des processus innovants de validation doivent être inventés Le site INA.fr pourrait, par exemple, sans démentir sa mission patrimoniale, accueillir des archives audiovisuelles personnelles, d’entreprises, de collectivités…

Le déploiement de cette offre culturelle numérique devrait s’affranchir du financement par la publicité.

Le cadre juridique souvent malthusien devra évoluer pour favoriser la diffusion et la réutilisation du patrimoine (des « biens nationaux ») dont l’acquisition ou la création ont été financés par le public.

La mise à disposition du patrimoine culturel gagnerait à s’appuyer sur les technologies P2P. Les institutions culturelles américaines s’engagent dans cette voie le biais d’initiative privés comme le service archive.org ou la mise en ligne de la librairie Prelinger. La BBC, par exemple, a entrepris de mettre ses archives en P2P.

Recommandation 27
Développer une offre culturelle numérique en s’appuyant sur les ressources des établissements culturels. Ils sont invités à mutualiser leurs moyens et à favoriser la réutilisation des œuvres.

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